Balise
n.f. Dispositif de signalisation fixe ou flottant, (…) servant de point de repère ou indiquant la voie à suivre.1
Voilà un mot évocateur. Les contextes de ces évocations sont eux-mêmes riches de relations à suivre. Bâtons réfléchissants qui bordent les routes enneigées. Choses marines qui exhaltent l’horizon pendant que l’épaisse chaine verte d’algues asphyxie la conscience vers le fond. Lumière solitaire dans le bruit des rails. Tissus oranges abandonnés dans la forêt.
la radio comme balise
La vitre du studio remplie de la ville nocturne. Le son chuchoté venant de stations imaginaires. Aimer la nuit et vouloir devenir ce signal d’une familière étrangeté. Rouge fixe, lointain. Reliant la bâtiment à la colline, un fil vibre dans le sous-sol. Là-haut, les haubans tendus dans l’air tiennent deux cents mètres d’acier au vent. Rouge, dans le reflet de la cabine.
le lieu de la fabrication du son comme balise
là où mes pieds touchaient le sol pendant que la machine fixait le son; le lieu de la mémoire qui s’écrit. Un arbre est une fractale sonore : sifflement des branches, froissement de l’écorce, pas des insectes, pulsar du pic, ploiement, grincements, entrechocs, condensation de brume. Les gouttelettes éparsent marquent la nature du sol, quadrillent l’espace par leurs impacts délicats. Le fond du vallon abrite cette forme rythmique, longue, obstinée. La lumière baisse. Les arbres ont toute l’eau de l’air à restituer. Je suis le corps figé qui regarde un souvenir se remodeler. Le souvenir attendait ici que quelqu’un revienne. La tension de l’attente accompagne celle de l’écoute. Le souvenir galope et s’épaissit, il dévale la pente. Plusieurs fils arrivent ici à présent. Le souvenir essaie de repartir en les suivant tous. Le rituel des arbres l’en empêche; il peut s’imprimer dans l’écoute, c’est tout.
Le son de cet endroit ce jour-là, est une balise posée sur la table de montage. De part et d’autre dans la ligne du temps, une pièce ne donnera pas d’autre choix que d’y revenir.